Valmiera, Sigulda et Cēsis

Publié le 20 juin 2025 à 21:15

Mercredi j'ai laissé Pärnu derrière moi pour longer la côte vers le sud. Avant de quitter l'Estonie, je me suis arrêté un instant au bord de la mer Baltique, sur une berge sauvage et sous un vent assez fort.

Avec mon téléphone j'ai alors fait une petite vidéo de cette mer plutôt tranquille, changeante selon les cieux et les lieux et qui ne se laisse pas toujours aborder facilement.

Je me suis dit avec tristesse que probablement je ne reviendrai pas de sitôt en Estonie. Au cours de mes deux voyages dans cette région, j'ai appris à aimer ce pays assez sauvage, plein de forêts traversées par des routes droites, avec de belles villes où en ce printemps capricieux il m'a semblé faire bon vivre. Les habitants sont paisibles et discrets. Il y a de très jolis jardins, plutôt fouillis et qui mélangent arbres fruitiers, arbustes d'agrément et fleurs et toute variété, autour des maisons de bois peintes en ocre, orange ou vert. 

J'ai rejoint la Lettonie par le nord-est, en Vidzeme qui signifie Terre du Milieu et qui se trouve au centre de l'ancienne Livonie. C'est la région la plus vallonnée du pays, traversée par la Gauja, beau fleuve qui dessine une grande boucle avant de rejoindre la mer. J'ai posé mes valises dans la ville de Valmiera que traverse la Gauja et le long de la laquelle sont aménagés de vastes espaces verts. Ici aussi des travaux de voirie sont en cours et des équipements modernes ont été construits.

En me promenant dans un parc je me suis retrouvé face au monumental Mémorial aux morts de la Seconde Guerre mondiale, édifié en 1985. Il renvoie à une histoire en grande partie mythifiée. En effet, en septembre 1944 les bombardements de l'Armée rouge pour déloger les Allemands ont provoqué un immense incendie qui a détruit une bonne partie de la ville. Les autorités soviétiques ont accusé à tort les habitants d'avoir intentionnellement mis le feu. Ils n'ont ensuite cessé de déployer leur propagande autour de la Grande guerre patriotique et libératrice contre les Nazis. C'est dans ce contexte mystificateur et tardivement que le Mémorial de Valmiera a été construit dans le plus pur style soviétique, à la mémoire des soldats russes morts au combat.

Je suis retourné dans la vallée de la Gauja hier après-midi, là où elle est la plus encaissée avec plusieurs châteaux qui se côtoient. À Sigulda se trouvent la demeure néo-gothique construite par le prince russe Dimitri Kropoktine et l'ancien château de l'ordre de Livonie. Juste en face, de l'autre côté de la vallée, émerge la masse blanche du manoir de Krimulda et plus en contrebas on aperçoit les ruines rouges de Turaida.

J'ai surtout pris plaisir à revoir le très bel intérieur du nouveau château de Sigulda, entièrement remanié dans les années 30 alors qu'il avait été acquis par la Société lettone de la presse. Je ne suis pas retourné à Turaida qui comprend une très intéressante réserve muséographique, en particulier sur le plan historique, mais j'ai choisi de prendre le téléphérique qui conduit à Krimulda, sans grand intérêt, pour revenir ensuite à pied à mon point de départ. Les pentes du sentier sont assez raides puisqu'il faut alors descendre au niveau du fleuve pour le traverser, mais les aménagements sous forme d'escaliers facilitent beaucoup le parcours.

Je suis arrivé aujourd'hui sur le coup de midi à Cēsis, autre ville baignée par la Gauja entre Valmiera et Riga. J'avais séjourné là l'an dernier et je me souvenais bien du beau parc situé en contre-bas du château qui était alors fermé à la visite. J'avais alors navigué dans la région pour découvrir le site archéologique d'Āraiši et cet endroit improbable sur la commune de Līgatne, un complexe souterrain dissimulé sous un dispensaire et conçu à l'époque soviétique pour abriter les responsables politiques du parti communiste letton en cas de guerre nucléaire.

Cette fois-ci j'ai débarqué dans une ville pleine de monde et le beau parc investi par des dizaines de stands, de tribunes et d'aménagements divers pour accueillir le festival du mouvement Lampa. Dans l'esprit des promoteurs, il s'agit de provoquer des rencontres et des débats autour de thèmes d'actualité pour faire vivre la démocratie. À l'origine de Lampa se trouvent une fondation privée, une banque, des agences de communication, la municipalité de Cēsis et le British Council. J'ai appris que d'autres festivals ayant le même état d'esprit sont organisés au Danemark, en Suède et en Estonie. Les thèmes abordés sont très divers avec l'objectif affiché de faire participer les citoyens. Curieusement la présence des partis politiques est assez discrète.

J'ai toutefois pu engager la conversation avec des représentants très jeunes de deux partis, le parti Progresīvie (progressiste proche des sociaux-démocrates scandinaves) et le parti Par! (centriste et social-libéral). Je leur ai raconté mes impressions de voyage et fait part de mes interrogations après mon passage en Latgale. Sur la cohésion et l'unité du pays, les différences linguistiques encore fortes selon les régions, la présence d'une population d'origine russe importante à l'est du pays et un discours populiste qui rencontre ici aussi un écho dans une frange de la population, tous les deux restent inquiets. Cependant ils estiment les résultats des dernières élections locales plutôt rassurants.

À propos de la menace russe, elle ne fait pour eux aucune ambiguïté et est certaine. Ils m'ont rappelé qu'en 2019 des manœuvres militaires de très grande envergure, avec l'engagement de dizaines de milliers d'hommes, avaient été organisées par l'armée russe aux frontières des Pays Baltes. En cas d'agression de la part de Poutine, ils restent sceptiques quant à un engagement véritable de l'OTAN. Après cette conversation j'ai assisté durant un moment à une intervention en anglais de responsables militaires (une Lettone, un Canadien et un Italien) qui rappelaient en des termes très directs la réalité du danger d'une intervention russe.

J'ai finalement pu faire la visite du château de Cēsis qui comprend deux parties. La première est un musée installé dans la partie construite et occupée à partir du XVIIIe siècle par une dynastie de comtes d'origine allemande. Ici mon attention a particulièrement été retenue par la reproduction d'une carte française de la région et datant de la fin du XVIIIe siècle. La seconde partie est constituée des ruines de la place forte érigée par l'ordre de Livonie au XIIIe siècle et détruite par Ivan le Terrible en 1577.

Je suis arrivé à Riga en fin d'après-midi.

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Commentaires

Fred
il y a 21 jours

Coucou François ! Ça va ? C est beau et les commentaires très intéressants. Continue bien.