En début de semaine on fêtait le solstice d'été en Lettonie. Le lundi 23 juin était la soirée de Līgo pour célébrer la nature et la fertilité. Le mardi 24 était Jāņi, une journée fériée.
J'avais été invité à me joindre à une famille qui habite Jūrmala pour participer avec elle aux festivités florales, chantées et arrosées du jour. Malheureusement, au dernier moment mon hôte n'a plus été en mesure de me recevoir suite à un problème personnel. Je suis donc resté à Riga.
Le lendemain j'ai fait un peu de route pour me rendre à Jelgava, ville anciennement germanique et appelée Mitau qui était la capitale du duché de Courlande. Il y a là un palais construit au XVIIe siècle par l'architecte italien Bartolomeo Rastrelli, lequel a fait sa carrière au sein de l'Empire russe. La famille royale et le futur Louis XVIII ont trouvé refuge à Mitau durant la Révolution française. Il s'agit donc d'un immense château dont je pensais faire la visite mais, pour cause de Jāņi, les portes étaient closes.
La ville entière de Jelgava semblait inhabitée et comme morte sans personne ou presque dans les rues, sans magasins ouverts, d'autant qu'il faisait un temps très maussade avec de fortes averses et des coups de vent. J'ai profité de cette journée pour me plonger dans la lecture d'un roman très poignant de l'autrice d'origine lituanienne Ruta Sepetys qui raconte l'histoire de Lina, jeune fille de Kaunas qui en 1941, à quinze ans, est déportée avec sa famille en Sibérie.
C'est donc hier que je suis arrivé de nouveau en Lituanie. J'ai fait étape à Siauliai, ville importante du nord du pays. J'avais envie de retourner au Musée de la photographie où je suis déjà venu l'an dernier. J'ai revu avec plaisir la collection permanente qui comprend un bel ensemble d'anciens appareils photo ainsi que quelques belles photographies. Je me souvenais en particulier de celle, mise en scène par la propagande soviétique, qui montre deux couples d'un soldat russe et d'une jeune Lituanienne qui essaient de danser. Je trouve que le port distant et le regard détaché de la jeune fille au premier plan illustrent, en contradiction avec les intentions officielles, une forme de résistance. La deuxième photo dont je me rappelais représente un jeune pionnier au regard fixe face à l'objectif. Elle a été prise en 1964 à Ignalina.
L'exposition temporaire qui rassemblait des prises de vue géologiques m'a en revanche moins intéressé. J'aime bien le bâtiment qui abrite ce musée, autrefois une pharmacie en occupait l'angle des deux rues. C'est là que les photographes venaient s'approvisionner en produits chimiques nécessaires au développement des pellicules et aux tirages argentiques.
En milieu d'après-midi j'étais à Palanga, la grande station de villégiature de la Lituanie en bord de mer Baltique. Suite à une série de bourrasques et d'averses, le ciel s'est dégagé peu après mon arrivée et je suis allé en direction de la grande jetée qui avance sur la mer, précédée d'une très longue allée piétonne jalonnée de restaurants, de boutiques et de jeux pour les enfants. J'ai trouvé la Baltique forte comme jamais je ne l'avais encore vue. Des vagues se formaient et grondaient sous un soleil déclinant au large. J'ai fait aussi une bonne promenade dans le grand parc conçu par le paysagiste français Édouard André et qui recèle le château néo-renaissance Tyszkiewicz construit de 1893 à 1897. Cette promenade dans ce très bel endroit, qui commence à être envahi par les familles en vacances, a été très agréable après les journées un peu mornes que je venais de passer.
Je suis retourné dans ces mêmes lieux ce matin, le soleil étant au rendez-vous et avec une lumière toute différente. J'ai longuement filmé en bord de mer. En prenant une rue plus à l'intérieur pour regagner le parc, je me suis attardé à contempler quelques belles maisons modernes construites au milieu des pins.
Le château Tyszkiewicz abrite le Musée de l'ambre, cette résine durcie et fossilisée qu'on trouve en abondance dans la région et qui en forme une partie de la richesse. L'ambre de la Baltique, qui date de 50 millions d'années, se présente sous diverses formes, selon que la sève de pin s'est écoulée à l'extérieur ou est restée à l'intérieur de l'arbre, et de couleurs qui vont du blanc au noir en passant par de multiples nuances dorées. Très souvent les pièces d'ambre contiennent des insectes ou des restes végétaux qu'on découvre en transparence une fois la pierre polie.
En revenant je me suis fait interpeller par un jeune homme qui me proposait d'aller manger dans un restaurant un peu plus loin en retrait. Il voisinait avec une dame qui avait là aussi une échoppe de bijoux et d'objets en ambre. Malheureusement je n'avais besoin ni de manger ni d'acheter de l'ambre. Cependant nous en avons profité pour discuter un bon moment, le garçon servant d'interprète à cette dame de 68 ans qui parle couramment russe mais pas anglais contrairement à son compagnon de circonstance. Cette femme m'a raconté qu'elle se destinait à devenir institutrice mais qu'il ne lui a pas été possible de suivre les études pour ce faire. Elle m'a dit avoir subi de la discrimination de la part des autorités soviétiques car son grand-père était juif. Elle est originaire de Palanga dont la moitié de la population était juive avant la Seconde guerre mondiale. En 1941 la plupart des juifs ont été assassinés par les Nazis.
Elle m'a raconté aussi adorer voyager en avion, être la mère de quatre enfants et avoir participé en 1989 à la Voie balte, la chaîne humaine qui est allée de Vilnius à Tallinn et qui commémorait pour le dénoncer le Pacte germano-soviétique de 1939 . Elle avait alors 32 ans.
Avant que nous nous quittions, elle m'a très gentiment offert un petit sachet de morceaux d'ambre.
Ajouter un commentaire
Commentaires
Un salut de Vincent et d'Aline, et de Clotilde, depuis Saint-Sernin sous la chappe de chaleur, à suivre tes chroniques toujours aussi profondes sans avoir de pesanteur ! Bonne redescente vers le Sud, bonnes rencontres et moulinage intérieur :